C'est le 26 janvier à 3 h du matin que nous avons atterri à Dakar, après un vol retardé de quelques heures en provenance de Casablanca. Nous sommes allés directement à l'auberge qui se situait à seulement cinq minutes de l'aéroport, et le matin en nous réveillant, nous avons regardé par la fenêtre :
Rajoutez-y l'odeur de la mer et du poisson, le bruit des oiseaux et des pêcheurs, la sensation d'une brise ensoleillée à 25 °C, et vous y retrouverez ma première impression du Sénégal.
Voilà, nous y sommes, en Afrique de l'Ouest ! Même après plusieurs mois de voyage, on est toujours aussi excités lorsque nous arrivons dans une nouvelle région. On s'étonne que les rues soient recouvertes de sable, que le pélican soit un animal domestique et on est heureux de pouvoir se faire tartiner du fromage
vache qui rit dans une bonne baguette à chaque coin de rue. On s'amuse bien avec les Sénégalais qui ont le même humour que nous et qui n'hésitent pas à nous ressortir leurs jeux de mots nationaux pour nous vendre t-shirts, colliers et tongs : "ici au Sénégal, on est collants comme des mouches mais on ne pique pas comme des moustiques" ou "on est fauchés mais pas fâchés".
Et grand bonheur pour Daniel, c'est toujours la Coupe d'Afrique des Nations, le grand championnat de soccer qui se déroule cette année au Gabon et en Guinée-Équatoriale. Les Sénégalais se sont malheureusement fait éliminer... ce que Daniel ne manque pas de rappeler aux vendeurs ambulants trop insistants, ce qui lui vaut un gentil "tu es rigolo, toi". En fait, Daniel considère que dans tout le voyage, c'est l'endroit où il s'est le mieux senti instantanément, tellement il est facile de niaiser et de communiquer avec les Sénégalais. Bien sûr, nous sommes toujours "toubabs" - ce qui signifie blanc ou étranger - et il faut toujours faire attention aux prix soudainement cinq fois plus chers, mais ça c'est pareil partout dans les pays plus pauvres. À la différence que faire du tourisme au Sénégal n'est pas si bon marché : les chambres tournent autour de 20 euros par nuit pour 2 personnes, et les repas et le transport sont plus chers qu'en Asie pour un service équivalent. Ce n'est donc pas une destination de
backpackers comme l'Asie du Sud-Est, et c'est pour ça que la majorité des touristes ici sont des Français à la retraite. D'ailleurs, il n'est pas rare de voir un homme ou une femme occidentale (oui, elles sont nombreuses !) accompagnés d'un(e) jeune Sénégalais(e). Si vous voulez vous amuser, voici un
article marrant qui décrit ce genre de relation typique.
Nous sommes restés six jours à Dakar : les trois premiers nous étions chez Morgane, notre hôte
couchsurfing, et après nous étions dans le quartier de Ouakam, où nous avons loué une chambre chez l'habitant. Cette première semaine était assez mouvementée à Dakar, puisque c'est le vendredi 27 janvier qu'a été validée la candidature du président sortant Wade pour les élections présidentielles qui auront lieu plus tard au mois de février. Or, il est au pouvoir depuis 12 ans, et lors de son premier mandat, il a modifié la Constitution pour limiter l'exercice du pouvoir présidentiel à 2 mandats maximum.... mais si j'ai bien compris, le Conseil constitutionnel aurait considéré que ce changement constitutionnel ne s'applique qu'à partir de son deuxième mandat, comme si son premier n'était pas pris en compte dans la limite imposée par la loi... (désolée pour le blabla juridique, mais je connais quelques bridistes* qui apprécieront !)
Il y a eu quelques émeutes avec morts, blessés et vandalisme, et nous avons entendu quelques bruits de détonation, même si nous n'étions pas directement dans le quartier touché. Il semblerait que ces manifestations pacifiques (et souvent autorisées) aient été récupérées par des fauteurs de trouble, et aient donné une bonne raison aux forces de l'ordre pour intervenir et stigmatiser l'opposition. J'essaye de me renseigner par les médias locaux et internationaux, ainsi qu'en discutant des évènements autour de moi, autant avec des pro-Wade qu'avec les anti-Wade, et ce n'est pas facile de se faire une image claire de la situation. Ce qui est sûr, c'est qu'en tant que touristes, nous ne sommes pas affectés par les évènements. Au contraire, les Sénégalais sont contents de voir que nous sommes toujours là, car il y a beaucoup moins de touristes cette année, alors que c'est censé être la haute saison.
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| Plage à Yoff, au Nord de Dakar |
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| L'île de Gorée, à 15 minutes en bateau, était le centre de transit de la traite négrière |
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| Le très controversé monument de la Renaissance africaine : il a été créé par Wade (à l'effigie de sa famille selon plusieurs observateurs) dans le but de rallier tout le continent africain dans un même projet de persévérance. Construit par les Nord-Coréens, cette dépense en pleine crise économique a suscité la polémique... |
Saint-Louis, l'ex-capitale coloniale
Pour notre première visite du Sénégal, nous sommes allés à 250 km au Nord de Dakar, près de la frontière avec la Mauritanie. Le voyage en lui-même fait partie de la visite, puisque cela nous a pris sept heures pour faire le trajet en mini-bus. Bien que la route soit belle et goudronnée, à chaque fois que nous passions à côté d'un village, une horde de vendeurs ambulants nous ralentissaient pour nous fournir breuvages, fruits et arachides, en passant directement les bras par nos fenêtres en même temps pour effectuer la transaction.
Et même si au retour nous avons opté pour un taxi-brousse ou
sept-places, cela nous a pris autant de temps puisque la boîte de vitesses nous a lâchés à 100 km de Dakar... le jour où justement tous les Sénégalais étaient en déplacement pour rejoindre leur famille pour la fête du Gamou (naissance du prophète Mahomet). Bref, nous avons vu des dizaines de transports surchargés défiler devant nous sans place disponible.... Finalement, après nous avoir entassés tous les sept dans un taxi à quatre places, puis dans un autre
sept-places, nous sommes arrivés à temps à Dakar pour prendre notre bateau vers la Casamance.
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| On reconnaît le style colonial des bâtiments |
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| Le quartier des pêcheurs, très densément peuplé |
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| Notre taxi brousse a rendu l'âme... |
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| et sur la route pour Dakar, pas de possibilités pour trouver d'autres places ! |
Je vous écris tout en buvant du vin de palme - surnommé affectueusement "lait maternel" ou bounouk par les Sénégalais - que je viens d'acheter à Oussouye, un petit village de la Casamance. Je ne sais pas trop si j'aime ça ... il pétille encore car il est toujours en fermentation. D'ailleurs je ne peux pas fermer le bouchon, car sinon la bouteille gonfle... Demain, nous reprendrons le bateau pour Dakar, pour éviter une route de Casamance qui n'est pas trop recommandée en ce moment.
*Un(e) bridiste est une créature bizarre bidisciplinaire issue du fameux baccalauréat en relations internationales et droit international (BRIDI) de l'UQAM. Cette personne manifeste souvent une excitation exagérée pour toutes les aberrations politico-juridiques de nature internationale.